Protoxyde d’azote : cette commune interdit la vente aux mineurs pour endiguer un phénomène qui ne “fait que s’aggraver”

Face à la montée de la consommation de protoxyde d’azote, plusieurs communes du Nord, dont Lille, Tourcoing et Loos, tentent de freiner ce fléau aux lourdes conséquences sanitaires et environnementales. Entre arrêtés municipaux et impuissance face à une substance en libre accès sur Internet, élus, soignants et associations tirent la sonnette d’alarme.

Lille, Tourcoing ou encore Loos, plusieurs communes du Nord tentent de lutter contre le protoxyde d’azote, en enchaînant les arrêtés pour restreindre la vente et la consommation de ce gaz hilarant.

“Ce qui me choque, c’est surtout l’évolution très rapide qu’on a eue, puisqu’au début, on avait les toutes petites cartouches et en 2-3 ans, ce type de bonbonnes a complètement explosé” s’inquiète Claire Dramé, directrice de l’association “Apronet” qui assure le nettoyage de la voirie de Loos près de Lille.

4 tonnes de bombonnes

Autour de la responsable, des bombonnes par centaines pour un poids total estimé à 4 tonnes, stockées par l’association qui ne sait pas quoi en faire. “Le traitement de ces bonbonnes coûte extrêmement cher, donc aujourd’hui, on n’a pas vraiment de solution parce que personne ne peut supporter ce coût”, indique Claire Dramé.

“Le traitement de ces bonbonnes coûte extrêmement cher, donc aujourd’hui, on n’a pas vraiment de solution parce que personne ne peut supporter ce coût.” Claire Dramé, directrice de l’association “Apronet”.

Le traitement des bombonnes de gaz vides “coûte 4 à 5 fois plus cher que l’achat même de la bouteille”, et nécessite l’usage de machines spécifiques pour “récupérer le reste de gaz, le traiter et purger les bombonnes”, détaille la directrice de l’association “Apronet”.

Le protoxyde d’azote, qui sert normalement à produire de la chantilly est un gaz hilarant consommé avec des ballons, souvent le soir dans des rassemblements festifs.

Sur les parkings, devant des lycées ou aux abords de parcs de loisirs

C’est sur les parkings, devant des lycées ou aux abords de parcs de loisirs, que sont régulièrement abandonnées les bonbonnes de protoxyde d’azote. “Des fois, on en retrouve 4 – 5 (…) ça fait un moment que ça dure, on en parle, on en parle, mais il n’y a rien qui bouge”, s’indigne ce cultivateur loossois qui ramasse régulièrement des bombonnes en face de son lieu de travail, proche d’un parc de loisir.

À Loos, la municipalité a déjà pris une demi-douzaine d’arrêtés depuis plusieurs années pour tenter de faire reculer le fléau. Le dernier en date cible notamment les commerçants, qui ont désormais interdiction de vendre du protoxyde aux mineurs.

Ces arrêtés, “nous (les) précisons au fil des ans, en fonction des lieux de consommation et de dépôts de capsules, donc chaque arrêté est pris au regard de la situation et du contexte dans la ville”, développe Anne Voituriez, maire (Divers centre) de Loos.

“Aujourd’hui, c’est un trafic qui s’organise, c’est un problème de santé publique et les communes ne peuvent à elles seules porter la neutralisation et l’évacuation de ces capsules de protoxyde d’azote.” Anne Voituriez, maire (Divers centre) de Loos.

“Aujourd’hui, c’est un trafic qui s’organise, c’est un problème de santé publique et les communes ne peuvent à elles seules porter la neutralisation et l’évacuation de ces capsules de protoxyde d’azote”, insiste l’édile.

Des consommateurs de plus en plus jeunes.

Les conséquences de ce gaz sont désastreuses, pour des consommateurs de plus en plus jeunes. “On est sur des 15-25 ans et de plus en plus de mineurs”, alerte Dr Cécile Bossaert, cheffe de clinique au pôle urgences du CHU de Lille. “C’est un produit qui est facile à obtenir sur Internet, donc c’est très facile d’en consommer”, continue la spécialiste du protoxyde d’azote.

“On est sur des 15-25 ans et de plus en plus de mineurs.” Cécile Bossaert, cheffe de clinique au pôle urgences du CHU de Lille et spécialiste du protoxyde d’azote.

L’exposition, elle est massive et génère de nombreuses conséquences cliniques “essentiellement des problématiques neurologiques”, parmi lesquels : des difficultés à marcher “des gens finissent en fauteuil roulant, voir paraplégique”, souligne le Dr Bossaert.

Aussi des difficultés dans la continence (l’absence de plaisirs sexuels), dans les sels, les urines ; des troubles de la mémoire, de l’équilibre, et aussi d’autres types de symptômes comme des bouffées délirantes et des problématiques psychiatriques.

Infarctus, AVC…

S’ajoute à cela d’autres problématiques moins connus, comme les thromboses artérielles pouvant entraîner des infarctus ou AVC, à cause du protoxyde d’azote “et puis il y a toutes les conséquences qu’on ne connaît pas encore (…) puisque pour l’instant la recherche avance, mais on ne connaît pas encore tout sur ce sujet”, complète la professionnelle de santé.

“Ça ne va faire que s’aggraver puisque la consommation, même si on l’interdit, elle est facile. C’est impossible d’empêcher n’importe qui de commander sur Internet.” Cécile Bossaert, cheffe de clinique au pôle urgences du CHU de Lille et spécialiste du protoxyde d’azote. 

Investir dans la prévention auprès des jeunes et dans la recherche

Pour elle, il est important d’investir dans la prévention auprès des plus jeunes et dans la recherche pour mieux connaître les problématiques en lien avec le protoxyde d’azote et surtout réussir à le dépister parce que pour l’instant, “on ne peut pas le faire pour des raisons physiopathologiques”, conclut l’experte.

Fin juin La Métropole de Lille a demandé à l’Etat des mesures nationales, voire européennes, pour lutter efficacement, contre cette dangereuse consommation de protoxyde d’azote.

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