Consommer du «gaz hilarant» n’étant pas illégal, il n’est pas possible de verbaliser un conducteur détenteur d’une bonbonne. Pourtant, le produit n’est pas sans risques s’il est utilisé au volant.
La rubrique fait divers des journaux regorge de ces articles. Dernier accident en date, début juin en Normandie : «Deux voitures en flammes après un accident, une bouteille de protoxyde d’azote explose : un jeune homme de 20 ans tué», titre France 3. Plus tôt, en avril, à Montpellier : «Un motard amputé d’une jambe… La conductrice qui l’a percuté venait d’inhaler du protoxyde d’azote», écrit 20 Minutes. Ou encore, en février à Lille, la Voix du Nord : «Bolide de location, protoxyde, vitesse… Ce qu’on sait de l’accident qui a coûté la vie à une étudiante samedi.»
«Ça demande énormément d’argent»
Officiellement, il n’y a pas de statistiques sur le nombre d’accidents causés par la consommation de protoxyde d’azote. Il est en effet difficile, voire impossible de déceler la substance dans le sang, contrairement au cannabis ou à d’autres drogues. «On peut mesurer l’homocystéine, sur une prise de sang, ça témoigne du fait que la vitamine B12 n’est pas bien utilisée dans les cellules [dont la consommation de protoxyde d’azote crée une carence, ndlr]. Mais il faut savoir le doser et ça ne donne pas de certitudes car il n’y a pas que le protoxyde qui crée ça», explique le Dr Thierry Gendre, neurologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). «Il faut mener des recherches pour trouver les marqueurs sanguins de la consommation. On a eu l’autorisation de récupérer les échantillons sanguins de certains consommateurs, c’est une première étape. Mais ça demande énormément d’argent, qu’on n’a pas pour le moment», regrette de son côté Guillaume Grzych, biologiste et responsable du réseau protoxyde d’azote du CHU de Lille.
En l’état, consommer du protoxyde d’azote n’est pas illégal. En cas de contrôle par les forces de l’ordre d’un conducteur détenteur d’une bonbonne du produit, il est difficile de le verbaliser. On ignore combien de temps durent les effets du produit, mais bon nombre de consommateurs continuent de conduire et ce, malgré les hallucinations, les pertes de vigilance voire les pertes de connaissance que peut provoquer l’inhalation de ce produit. En janvier, des débats ont été menés à l’Assemblée nationale autour d’une proposition de loi qui vise notamment à interdire la vente de protoxyde d’azote aux non-professionnels et à verbaliser sa consommation. Ce dernier point a été rejeté, le rapporteur dénonçant une démarche de «surenchère pénale». Pour l’heure, en cas d’accident, l’usager ne peut être poursuivi que pour un défaut de maîtrise de son véhicule ou mise en danger délibérée si l’usage d’un gaz hilarant est démontré.
Campagne de prévention
«Il faut qu’on trouve des mesures de protection. On insiste pour que la consommation de psychotropes dont le protoxyde soit une circonstance aggravante en cas d’homicide routier. On espère qu’il puisse être dans une liste de produits considérés comme psychotropes. Aujourd’hui, on n’a pas de mesure suffisamment dissuasive à la hauteur des drames liés à la consommation», martèle Jean-Yves Lamant, président de la Ligue contre la violence routière. Guillaume Grzych, de son côté, plaide pour une meilleure prévention auprès des jeunes :«Jusqu’à présent, le public était assez peu réceptif à nos discours. On vient de lancer une grande campagne de prévention dans laquelle on détourne des pochettes de jeu vidéo comme GTA ou Mario, pour les rendre acteurs de cette prévention.»
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